Il y a longtemps que la littérature travaille à cette subversion dont on l'enorgueillit à présent. Dans les temps prémarxistes et préfreudiens, avant que les efforts conjoints de la psychanalyse et de la linguistique - au fond : de l'anti-idéalisme - n'aient radicalisé la déconstruction qui se poursuit maintenant, que se passait-il en littérature ? La même lutte existait, sous d'autres formes, par d'autres voies : elle se poursuivait peut-être plus violemment car plus désespérément, à texte nu : moins subversive, et plus offensive. Bien avant Bataille, Hoffmann et Kleist faisaient le procès virulent du narcissisme conservateur. Chanteurs de la dépense, poètes de la contestation, ils arrachent le sujet à l'asservissement du moi, fendent le "propre", disloquent la marionnette, troublent les miroirs, libérant le difficile enivrement de savoir que Je est bien plus qu'un. Avant Kierkegaard, une intense activité pseudonymique agite les personnages : une danse des individualités trace cet ensemble qu'est Personne. Que le propre, au contraire, a partie liée avec la mort, Poe le dit mieux que... personne. Enfin, la mort administre la demeure conjugale : Joyce en moque la petite économie.
Textes de bord ou de hors qui font plus que fracturer le sol littéraire : ils disent à chaque un, après tout, que son nom est Personne
Ensaios