Un homme fait, en terre d'exil, se souvient. Un coup de fil, quelques vers et le travail du souvenir s'enclenche. Il y a vingt ans, il a dû fuir les tontons macoutes. Élevé par les femmes de sa famille, opiniâtres, sa mère, ses tantes, c'est un adolescent rêveur qui est lancé sur les routes de la clandestinité. Il n'ira pas bien loin. Près de chez lui, une maison close l'accueille, bondée de jeunes et jolies pensionnaires. Claustrées, à la merci des désirs d'hommes mûrs, mais les dominant par la force du désir qu'elles suscitent, elles seront pour le jeune réfugié objet de contemplation et de réflexion.
Elles sont féroces entre elles, les tendres jeunes filles, capables de se meurtrir. Étouffées par la chaleur lourde, oppressante, elles ont les nerfs à vif. Elles doivent lutter l'une contre l'autre pour préserver un peu d'intimité, de tendresse. Le jeune réfugié ne les juge pas pour autant : le charme des corps, la hardiesse des propos des belles n'ont fait que le ferrer un peu plus dans son désir. Il sait désormais qu'il cultivera, sa vie durant, le goût des jeunes filles, car «la langue crue et le manque total d'inhibition des femmes fraîches peignent à l'adolescent des mirages d'oasis».1
Vingt ans plus tard, le narrateur est toujours charmé.
«Les réminiscences d'une époque oubliée convoquent souvent l'esprit à une quête du souvenir; remonte alors à la bouche Le goût des jeunes filles, sucré et pulpeux.»